Le voleur d'âmes - Histoires de Sexe

Le voleur d'âmes

... spacieuses pour se défouler, et même d’avoir fumé un joint – le premier également – à l’abri d’un saule pleureur. Mais tout ça faisait partie de son passé. Elle venait très rarement ici, désormais. Penser à ce qu’elle faisait lorsqu’elle était petite la plongeait toujours dans les mêmes abîmes de perplexité et de désillusion. Elle ne savait plus ce qu’elle avait projeté de faire lorsqu’elle serait grande, ne se souvenait plus de quoi cette fillette rêvait, ce qu’elle voulait faire le plus au monde ; à qui elle pensait, pourquoi. Liana ne se trouvait plus aucun point commun avec l’enfant qu’elle avait été. Elle se sentait étrangère à elle et avait du mal à imaginer que tout ce qu’elle avait vécu jusqu’à cette année ne l’ait conduite qu’à ce qu’elle était maintenant, un être sans repères. Lorsqu’elle songeait à ses partitions, le menton dans la main, les yeux dans le vague, étendue dans l’herbe, y avait-il déjà en elle tous ces évènements tragiques, toute cette souffrance ? Son avenir se dessinait-il déjà à travers ses rêves et ses idéaux ? Était-elle déjà destinée à connaître ces déceptions ? Ces souffrances… ? – Vous semblez songeuse, dit M. Tomaze. Assis à côté d’elle sur les marches du musée, qui n’ouvrirait que dans une demi-heure, il était resté silencieux pendant un bon moment. – J’ai beaucoup de souvenirs ici, dit Liana d’une voix tremblante. – Des bons… ou des mauvais ? – Je ne sais pas vraiment, avoua-t-elle dans un soupir. Sûrement un peu des deux. Le reste ...

... m’apparaît flou et incolore. L’homme la considéra d’un regard perspicace, puis tourna la tête et observa le soleil ruisseler sur les feuilles des arbres, plantés ici et là dans le parc. – On a tous un pan de vie qui reste obscur et incompréhensible. Un coin de paradis perdu, un goût d’innocence qu’on ne retrouvera jamais plus, murmura Tomaze. – Le passé, répondit faiblement Liana. – Le passé, approuva l’écrivain, les yeux posés dans le vide. L’enfance dont on était si pressé de se débarrasser, mais qu’on cherche éperdument à reconquérir une fois devenu adulte… Liana resta muette longtemps, avant de se risquer à une conversation plus réservée. – Je ne sais pas ce qui m’a prise, tout à l’heure. – Je sais, dit Tomaze. Il semblait à son tour plongé dans une rêverie nostalgique. Son visage était fermé. Seuls ses yeux brillaient, mais l’émotion qui s’y trouvait demeurait totalement énigmatique pour Liana. – Je voudrais tant vous expliquer pourquoi… avança-t-elle timidement. Il lui jeta un long regard. Indéchiffrable. – Vous savez, Liana, je ne vous connais pas très bien. Mais je n’ai pas besoin de longs discours avec vous. Elle l’observa d’un air hésitant. – Vous êtes très triste, déclara M. Tomaze, ignorant le tressaillement de sa compagne. J’ignore pour quelle raison et si vous réussirez à retrouver la paix un jour. Moi aussi, j’ai connu des moments difficiles. Liana ne dit rien. Elle prenait entre ses doigts des touffes de la mauvaise herbe qui réussissait à percer entre les dalles de ...