1. Le voleur d'âmes


    Datte: 09/10/2019, Catégories: nonéro,

    ... pierre blanche, les arrachant d’un coup sec. Le soleil brûlait sa rage sur ses épaules et ses jambes nues ; ils étaient assis en plein sous sa chaleur. Mais si la jeune fille avait l’impression de suffoquer, ce n’était pas la faute du temps caniculaire. Une pensée inquiétante lui venait parfois à l’esprit. Elle l’effleurait seulement, mais ce simple contact faisait frémir Liana de frustration et d’angoisse. La pensée de ne plus faire qu’un avec son corps. Comme si ce corps était vidé de toute énergie, comme si l’âme qui l’habitait en avait été arrachée de force. Et paradoxalement, comme si son esprit percevait ce corps vide comme un élément étranger et incompréhensible ; qui avait des besoins et des exigences impossibles à satisfaire. Liana n’était-elle plus que cette coquille vide physiquement et en complet décalage avec elle psychiquement ? Cette lacération de son être était si terrifiante et si douloureuse que la plupart du temps, elle refusait d’y penser. Elle s’évertuait d’ailleurs à ne plus penserà rien. – Vous êtes marié ? demanda-t-elle à tout hasard. M. Tomaze la regarda un long moment, ses cheveux bruns dégringolant devant ses yeux et cachant partiellement la teneur de son regard. Il paraissait ailleurs. Peut-être dans une autre dimension. – Je l’ai été, dit-il. Sa voix était lointaine. – Ça n’a pas marché ? insista Liana. – Non, fit Tomaze en secouant la tête. Ça n’a pas marché. – Vous avez eu des enfants avec elle ? Un sourire distant fut la seule réponse que ...
    ... Liana eut ce jour-là. Elle reconnut alors l’étrange regard sans âge qui l’avait frappée lors de leur première rencontre ; elle décida de ne plus y prêter attention. – Je ne sais vraiment pas ce qui m’a prise, répéta Liana. Elle avait à nouveau les larmes aux yeux. Elle se sentait épuisée. La journée allait être longue, encore une de ces interminables journées vides, blanches. Comme celles qui avaient précédé ce jour. Comme celles qui suivraient le lendemain. Interminablement, infiniment. – Je voudrais vous aider, Liana, annonça calmement M. Tomaze. – Je ne vous ai pas demandé d’aide. Je vous ai seulement demandé d’écrire un fichu bouquin. Du reste, je vois mal de quelle façon vouspourriez m’aider. – Je sais que vous ne m’avez rien demandé de la sorte. Mais je sens une fracture en vous. Oserais-je vous apprendre que personne n’avait ainsi attiré mon intérêt depuis bien des années ? Vous êtes franche mais si discrète sur vos motivations. Je pourrais très bien me tromper du tout au tout sur vous, mais inexplicablement, je vous fais entièrement confiance. Ceci dit, il lui lança un rapide coup d’œil. – Vous êtes incapable de faire du mal à une mouche, ajouta-t-il pensivement. – Pas volontairement, en tout cas, murmura Liana avec un sourire forcé. Le silence qui suivit les prit légèrement au dépourvu. L’un comme l’autre, ils se demandaient dans quelle mesure leur relation pourrait se développer. – Vous n’avez pas d’amis ? demanda prudemment M. Tomaze. – Vous auriez dû faire carrière ...
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