1. Le voleur d'âmes


    Datte: 09/10/2019, Catégories: nonéro,

    ... dans la voyance, répondit Liana avec sarcasme. Il ne fut pas dupe. Depuis longtemps déjà, il avait senti qu’elle se réfugiait dans l’ironie pour se protéger. Quelqu’un devait lui avoir fait du mal, beaucoup de mal. – Est-ce qu’écrire ce livre vous aiderait ? Il parlait comme s’il marchait sur des œufs. Elle le dévisagea en silence. – Venez, dit-elle, allons nous mettre à l’ombre. Ils commencèrent à longer une allée où la fraîcheur de l’ombre des arbres soulagea quelque peu le malaise tenace de Liana. – Vous ne m’avez pas répondu, fit observer M. Tomaze. – Je ne sais pas. Elle fit une pause avant d’ajouter, un peu plus nerveusement : – Ecoutez, je n’ai pas envie de parler de ça… de mes sentiments, de mes motivations, vous voyez, de tout ça… Je voudrais juste qu’on parle un peu… de choses et d’autres, vous voyez ? Vous n’en rêvez jamais ? – De quoi ? – D’une conversation légère… sans artifice, sans pression, sans sous-entendu et sans menace… une de ces conversations banales qui donnerait envie de s’arracher les cheveux d’ennui… – Si parler ainsi est ennuyeux, alors pourquoi le faire ? répliqua M. Tomaze d’une voix un peu moqueuse. – Parce que l’ennui est si reposant… murmura Liana. Les gravillons de l’allée bien ratissée crissaient sous leurs pieds armés de sandales. Liana écouta un moment le bruit du vent dans les arbres, le chant mélodieux d’une mésange perchée dans les hauteurs feuillues ; elle écouta le son de leurs pas, la lente pulsion de sa respiration. – J’aime bien ...
    ... cette heure de l’après-midi, dit Liana. C’est l’heure de la sieste. Enfin, ce n’est qu’une expression. Vous savez, quand tout est calme et apaisant… quand les gosses ne crient plus, ne courent plus, que le monde est comme suspendu en plein vol. Qu’il n’y a pas un bruit déplacé parmi la nature environnante… – Oui, je comprends ce que vous ressentez. De temps à autre, une légère brise entraînait dans son sillage quelques notes de piano, qui s’égrenaient par une fenêtre ouverte de l’école de musique, éloignée d’une cinquantaine de mètres. Liana écoutait en silence. – Ce qu’il y a de bien avec vos sautes d’humeur, fit remarquer Tomaze d’un ton badin, c’est qu’elles cessent très vite. Vous vous reprenez aussitôt en mains… – Pas assez vite à mon goût, rétorqua Liana. Elle voulut ajouter quelque chose, mais à cet instant, quatorze heures sonnèrent aux cloches de la cathédrale, et ils se regardèrent tous deux, tandis qu’un bourdonnement étrange et discontinu remplissait leurs oreilles. Une fois le silence revenu, elle ne savait plus quoi dire. – Liana, commença M. Tomaze d’un ton grave. J’aimerais beaucoup travailler avec vous. Je sais que nos vues divergent et c’est le moins qu’on puisse dire ; que nous sommes très différents l’un de l’autre, mais… est-ce que vous ne le sentez pas ? – Qu’est-ce que je ne sens pas ? releva Liana, attendant une suite qui ne venait pas. Je ne comprends pas… – Ce qui nous attire, tous les deux, reprit l’écrivain avec une légère gêne. Ne vous méprenez pas, ...