1. Le voleur d'âmes


    Datte: 09/10/2019, Catégories: nonéro,

    ... M. Tomaze. – Non, j’ai arrêté… tout ça, consentit-elle à répondre, faisant un grand effort. Provisoirement, peut-être. Je travaille à mi-temps dans une petite bibliothèque de la ville. Si l’écrivain fut surpris de cet aveu, il n’en laissa rien paraître et dégusta son colonel pendant un moment. – Et vous ? demanda-t-elle brusquement, décidée à lui renvoyer l’ascenseur. S’il y a une personne qui se cache ici, c’est bien vous. Pourquoi refusez-vous de communiquer votre vrai nom ? Avec un plaisir malsain, Liana vit M. Tomaze s’étouffer à moitié avec sa glace. – Euh oui, je vois… balbutia-t-il. Vous voulez savoir ça… Puis il sembla se reprendre, et une émotion indistincte passa brièvement sur son visage. – Je tiens moi aussi à conserver mon anonymat, d’une certaine façon, admit-il d’une voix plus tranquille. – Alors pourquoi vous tenir sous les feux de la rampe ? répliqua Liana, satisfaite de son petit numéro. – Je ne comprends pas… – Vous êtes un célèbre biographe. Tout le monde vous connaît, ou presque. Mais vous pensiez peut-être que la célébrité vous laisserait dans l’ombre ? railla Liana. – Non, pas du tout, répondit M. Tomaze en se renfrognant. Mais il faut bien vivre, et j’aime ce métier. De toute manière, aucune photo de moi ne circule dans les média, et comme vous l’avez si bien deviné, personne ne connaît mon vrai nom. Ce qui garantit mon immunité, si je puis dire. – Oui, comme les diplomates. Et comme eux, vous faites un peu ce que vous voulez… dans cette ombre qui ...
    ... vous protège tant. M. Tomaze lui lança un regard fixe et pénétrant, mais ne répondit rien. – Vous avez mis du temps avant de me fixer un deuxième rendez-vous, fit remarquer Liana, la bouche auréolée de chocolat. D’un air légèrement dégoûté, il la regarda enfourner la dernière bouchée de crêpe, avant de fixer à nouveau son attention sur ce qu’elle disait. – J’étais très occupé avec mon actuel « vrai » client, répondit-il, un peu sardonique. Et vous, qu’avez-vous fait, pendant ces deux semaines ? Elle le regarda avec des yeux écarquillés. – Ce que j’ai fait ? répéta-t-elle, décontenancée. C’est rare qu’on me le demande…Ma foi, rien qui puisse sortir de l’ordinaire. Je suis allée au travail, j’ai regardé la télé, j’ai fait du tennis… J’ai aussi passé quelques jours chez mes parents… – Vous aimez le tennis ? Pourquoi voulait-il tant la faire parler ? s’irrita Liana intérieurement. Sans doute pour éviter de parler de lui… – Oui, j’aime beaucoup le tennis. J’ai gratté ma guitare aussi. Et puis j’ai beaucoup lu. Elle omit de préciser que ce qu’elle avait lu, c’était principalement trois de ses livres. Elle l’observa tandis qu’il mettait une main dans sa poche, et en sortait un paquet de cigarettes. Elle serra les dents, mais comme il posait le paquet sur la table sans sortir de cigarette, elle préféra garder le silence. – Vous jouez de la guitare ? nota-t-il. C’est curieux, j’aurais pensé que le piano vous intéresserait davantage. – Je déteste le piano. Ce son m’ennuie et m’endort. – ...
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