1. Le voleur d'âmes


    Datte: 09/10/2019, Catégories: nonéro,

    ... Vous lisez beaucoup ? – Non, pas vraiment. Enfin, ça dépend. C’est par période. Et vous, vous lisez beaucoup ? – Énormément, comme vous pouvez vous en douter. – Vos propres livres ? – Jamais. Une fois le livre envoyé chez mon éditeur, je ne l’ouvre plus. Elle pencha la tête sur le côté, un peu surprise. – Curieux, fit-elle doucement. J’aurais cru le contraire. Finalement, nous sommes remplis de préjugés l’un envers l’autre, ajouta-t-elle d’une voix moqueuse. Qui a commencé le rituel des clichés ? Vous ou moi ? Tenez, à voir votre teint blafard, il me semblerait que vous ne voyez jamais la lumière du soleil. Et pourtant, je suis sûre que si je vous le demande, vous m’apprendrez que vous êtes un grand sportif… Une ombre de sourire se dessina sur les lèvres de M. Tomaze. Elle remarqua pour la première fois que ces lèvres étaient pleines et délicatement ourlées, comme celles d’une femme, et que ses dents étaient très blanches. Il avait dû être très bel homme dans sa jeunesse. – Peut-être sportif, peut-être grand, mais grand sportif me paraît être un terme inapproprié, répondit-il avec humour. Je fais du squash, je nage un peu et je cours chaque matin. J’aime le tennis, moi aussi, même si je ne le pratique que très rarement. – Pourquoi ne pas me l’avoir dit tout à l’heure ? s’impatienta Liana. J’ai horreur des gens qui ne savent pas communiquer dans une conversation de ce genre. Pourquoi devrais-je tout vous apprendre sur moi et ne rien savoir sur vous sans que je ne vous l’aie ...
    ... arraché de la bouche au préalable ? Cette fois, M. Tomaze partit dans un grand rire, même s’il ne trouva rien à redire à ce reproche fait en bonne et due forme. Liana fut étonnée de ce rire. Et elle ne parvint pas à savoir pourquoi. Peut-être parce qu’elle sentait qu’il ne devait pas rire souvent. Ils commandèrent des cafés et finirent par se jauger du regard, tentant de s’évaluer de la sorte ; mais la tentative était bien sûr vouée à l’échec. Trop d’ombre, trop de blancs, pas assez d’informations, et trop d’incertitudes. – Votre métier doit être difficile, dit Liana. – Pourquoi ? – Entendre toutes ces personnes vous confier leurs vies doit parfois tourner au calvaire, non ? – J’ai aussi écrit des histoires drôles, se défendit-il. Toutes ces personnes ne faisaient pas partie d’une invariable tragédie au dénouement prévu d’avance. Certains de mes livres sont gais et positifs… – Pourquoi faites-vous ça ? Il se tut un moment, plongé dans ses réflexions. Ses yeux bruns s’étaient assombris. – Parce que j’aime ça, répondit-il simplement. Elle haussa les épaules, signifiant par là qu’elle lâchait le sujet. – Alors ? Comment sentez-vous mes croquis ? l’interrogea-t-elle sérieusement. – Eh bien, je les sens pas mal, riposta-t-il du tac au tac. Sinon, où serait mon intérêt ? Je travaille pour l’argent. Je ne mise sur un projet que lorsque je suis certain de mes investissements… – Vous admettez donc travailler pour l’argent ? lança-t-elle, l’air sarcastique. – Évidemment. Comme tout le ...
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