Une vie moderne
Datte: 18/09/2017,
Catégories:
cérébral,
Masturbation
fgode,
portrait,
... goût bourgeois. Elle travaillait convenablement, faisait même du zèle quelquefois, mais s’éclipsait discrètement lors des réunions improvisées entre collègues, autour d’un café, si les propos portaient sur autre chose que sur des problèmes liés au travail dans l’entreprise. La vie que s’était forgée Muriel était un formidable hymne à la raison pure. Le soir, elle ne traînait pas, elle rentrait sitôt le travail terminé. Elle se faisait à manger, regardait durant trois bonnes heures la télévision puis se couchait sagement. Le dimanche, elle allait dîner chez ses parents - sa mère, toujours aussi fière de sa fille, la taquinait gentiment sur ses atours qui devaient plaire à bien des prétendants - et y restait toute la journée. Seul son samedi était un peu maussade : elle traînait chez elle le matin, ne sachant que faire, allait l’après-midi faire des courses pour la semaine, puis, elle finissait sa journée devant un film grand public qu’elle louait dans un magasin juste à côté de chez elle. Elle ne lisait pas, ou très peu, ne sortait pas, ou si peu. — … Alors j’ai classé son dossier comme l’autre… Muriel n’écoutait plus le discours de Christiane. À 32 ans toutes les deux, depuis maintenant quinze ans qu’elles se fréquentaient, elles se parlaient sans s’écouter. Muriel savait que Christiane lui raconterait des faits anecdotiques liés à sa vie professionnelle et elle savait qu’elle lui parlerait des mêmes sujets dérisoires. Elle savait pourtant que Christiane était affectée au ...
... plus haut point par son statut de célibataire tardive et elle savait qu’en réponse aux silences de Christiane sur ce sujet, elle lui tairait ses propres angoisses, sur ce même sujet. Ces deux vieilles filles, toujours vierges, se cachaient bien mal l’horreur qu’elles éprouvaient à la vue de leur propre vie dans le traître miroir que constituait l’amie unique de leur jeunesse. Vingt ans d’attente, vingt ans d’espoir, vingt ans à ignorer les malheurs de l’autre, vingt ans à s’enfermer dans une logique stricte qu’elles prétendaient avoir choisie, dont elles étaient fières, mais dont elle ne pouvait guère se dépêtrer sans l’avènement miraculeux d’un évènement majeur, qui malheureusement, tardait à arriver. Enfin, vierge… Muriel ne l’était plus. Non qu’elle eût connu un homme - aucun ne l’avait jamais approchée de jour comme de nuit - mais cédant quelquefois à des pulsions naturelles, elle ne pouvait plus prétendre à la virginité au sens médical du terme. Cependant, même dans ces moments « douteux », Muriel restait très sereine : tant par la fréquence - qui ne dépassait jamais les limites honorables qu’elle s’était fixées, une à deux fois par mois tout au plus - que par l’intensité des sensations provoquées - elle avait lu dans un magazine traînant chez un médecin que l’orgasme détruisait irréversiblement une partie des connexions neuronales. Lorsqu’elle s’abandonnait à ces pratiques obscures, c’était toujours avec un sentiment de nécessité organique et obligatoire, pour une hygiène ...