1. 53.6 Retrouver Jérém.


    Datte: 19/02/2020, Catégories: Entre-nous, Les hommes,

    ... tant d’autres occasions, j’ai envie de trouver le moyen pour consoler son ego de jeune mâle blessé. Mais je devine que quoi que je dise, ça n’aurait d’autre effet que de le mettre encore plus en pétard : alors, je choisis le silence. J’imagine qu’il va falloir que je quitte les lieux rapidement. Pourtant, j’angoisse et je culpabilise à l’idée de le laisser partir sur ce petit échec. J’imagine déjà que ça va être carrément impossible de le retrouver après ça ;car il ne me laissera jamais l’occasion de rattraper le coup. Je m’apprête à me lever ; et là, je le vois revenir vers la porte vitrée, s’arrêter sur le seuil, prendre appui avec l’épaule sur le montant de l’encadrement, beau comme un dieu dans la nudité dans la pénombre. « Tire-toi » je l’entends me lancer, froidement. « Tu sais, Jérém, c’est pas gra… ». Je n’ai pas le loisir de terminer ma phrase car, cigarette au bec et regard fulminant de colère, il s’avance vers moi comme une furie, m’attrape violemment le bras, m’arrache du lit et me balance vers la porte d’entrée, tout en me lançant méchamment : « Putain ! Casse-toi, sinon ça va mal se finir ! ». « Jérém, s’il te plaît… » je tente de le raisonner. « Dégage ! » il finit par me balancer. Voilà qui est lâché : celui qui je considère le plus blessants des mots. Devant son « Dégage ! » je ne trouve plus la force de réagir, je ne trouve plus rien à retorquer. Je suis perdu, abattu. Défait. Il n’y a plus rien à dire, plus rien à faire. Il y a une chanson d’ABBA dont le ...
    ... titre résume bien mon état d’âme de cet instant, elle s’appelle « When all is said and done », « Quand tout est dit et fait ». Alors, je me tire. En claquant la porte, je me tire. Ce n’est que dans l’escalier que je laisse mes larmes monter comme une rivière en crue, embuer ma vue, ruisseler sur mon visage. Quel gâchis de dire adieu à cet appart de cette façon, sur cette note. Cet appart c’est l’un des lieux les plus marquants de mon existence ; dans cet appart j’ai découvert l’amour physique, cet amour qui s’est combiné à l’amour tout court, le rendant immense, aveuglant ; dans cet appart, et suivant l’humeur de son locataire, j’ai couché, baisé, fait l’amour ; dans cet appart j’ai passé mes premières nuits avec un garçon. J’ai aussi donné les premiers baisers à garçon ; baisers volés, certes, la plupart du temps, mais baisers si bouleversants. Appart de l’amour des illusions. De la haine et des désillusions. Dans cet appart j’ai été heureux, mais aussi triste, très triste : mais jamais comme cette nuit. J’ai le cœur lourd en passant dans la petite entrée où j’ai failli faire jouir Jérém. Je ressens un profond désespoir s’emparer de moi lorsque je remonte pour la dernière fois la rue de la Colombette en quittant l’appart de Jérém. Car, je le sais, je ne suis pas juste en train de quitter un lieu ; je suis aussi et surtout, en train de quitter le garçon que j’aime. Pour toujours. [Cet épisode paraît ici dans une version écourtée. La version complète, dont le titre est « 53.6 ...