1. L'Éden perdu


    Datte: 22/10/2017, Catégories: fhhh, jeunes, copains, vacances, pénétratio, confession, nostalgie, prememois,

    Depuis la rentrée Céline, une lycéenne, faisait souvent étape à la librairie. Me saluant d’un sourire enjoué, elle choisissait quelques ouvrages puis prenait place dans l’un des deux fauteuils de l’arrière boutique. Plus habitué au passage de contemporains qu’à la venue de la jeunesse, j’appréciais cette visiteuse silencieuse qui, passée une heure, rangeait avec précaution ses lectures sur les rayons. Est-ce en raison de la différence d’âge – elle pouvait être l’une de mes petites-filles – ou est-ce parce que j’appréhendais que, sa quête satisfaite, elle ne m’offrit plus sa présence, je ne me risquais pas à lui demander l’objet de ses recherches. Il lui arrivait de m’acheter un livre ou deux, toujours en rapport avec le programme de terminale. Une fin d’après-midi, d’une mine désappointée elle lança :— Je ne trouverai jamais ce que je cherche.Je lui demandai s’il était indiscret de m’enquérir de sa quête.— Une histoire semblable à celle que je viens de vivre et dont il me faut connaître l’issue.Sans doute étonnée de mon silence, elle ajouta :— Une aventure singulière lors d’un camp de vacances.Je répondis que les récits portant sur les camps de vacances étaient nombreux dans l’actualité :— Club méditerranée, évasions dans les pays du Sud, retraites spirituelles ; il y a dix ans, camps à la ferme, camps de scouts, de naturistes, que sais-je encore ?— Bref, des récits d’étés merveilleux où tout se termine au mieux, objecta-t-elle.— J’ai discrètement observé, lui dis-je, que ...
    ... vos lectures portaient volontiers sur le tragique.— Tragique, je ne sais pas, douloureux, imprévu et obsessionnel, assurément.Sur ces mots, elle quitta l’échoppe. En viendrais-je à lui proposer des récits écrits par des rescapés de camps de concentration ?…Journée de pluie de novembre à ne pas mettre le nez dehors. Survint Céline qui, avant de parler, m’interrogea longuement du regard. — Tout au long de ces semaines, j’ai apprécié votre discrétion. Pour avoir été enseignant aux quatre coins du monde, vous connaissez le monde et ses turpitudes. Les excentricités, si saugrenues soient-elles, ne vous choquent plus et, pour avoir écouté vos conseils à des lecteurs, j’ai découvert que jugement et critique vous étaient étrangers. Si je vous conte l’épopée de mon dernier été, peut-être disposerez-vous d’une solution à l’énigme qui me harcèle, mais promettez moi de conserver votre bienveillance à mon égard, quoique vous pensiez de ma conduite. Après que j’eus fermé le magasin, nous nous installâmes au fond de la boutique. Une lampe à pied éclairait le visage de Céline, je restai dans la pénombre. — Cet été j’ai pris part à une activité archéologique et de rénovation d’une ancienne église dans les Hautes Alpes. Détail comique, compte tenu de la suite, ce camp était organisé par le groupe de jeunes de ma paroisse. Au cours d’un stage, j’avais apprécié son animateur, pas bégueule du tout, le Père Berland, et l’équipe qu’il avait formée. Nous étions, je crois, huit filles et quatorze ...
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