L'histoire de Rebecca Reisenbach
Datte: 22/02/2021,
Catégories:
fh,
jeunes,
hotel,
entreseins,
Oral
nopéné,
nostalgie,
regrets,
... dégage vite une sensation d’étroitesse. Le décor a terriblement vieilli. La porte de bois foncé et les panneaux grisâtres du mur démoraliseraient le plus vaillant des salariés. Le premier jour, en furetant dans l’ordinateur pour tromper l’ennui, je trouve un brouillon de courrier électronique qui dit quelque chose comme : Ma vie sentimentale est un désert. Nancy est une ville étudiante, et je ne suis plus étudiante. Impossible de rencontrer quelqu’un ! J’ai hâte d’en finir. Ma mémoire peut me jouer des tours, mais il y avait ce mot de désert. L’un des quartiers que je vois de ma fenêtre, derrière la gare, s’appelle Mon Désert. La décision est déjà prise : à moins qu’on m’y force, je ne vais pas me fixer là. J’ai vingt-cinq ans. Du moins, c’est à Nancy que je les fête, si l’on peut parler ainsi de cet anniversaire un peu pitoyable. Dès le deuxième soir, j’appelle Brunehilde. Place Stanislas, les voitures circulent encore à l’époque dans un décor de carte postale. Ni l’endroit ni Brunehilde n’ont changé. Majestueuse est la place, noble son allure sur le pavé. Toute sa séduction tient dans sa prestance, sa démarche distinguée, ses manières impeccables, son verbe délicat, plus gracieux que sa plastique. De taille et de constitution moyennes, elle a un visage osseux et lippu, un menton très haut, des yeux gris en amande, et des cheveux bruns coiffés toujours aussi sagement, avec la raie qui l’a toujours suivie, à Longwy, à Metz et à Paris. Vers vingt-deux heures j’offre de la ...
... raccompagner. Il fait doux pour la saison. C’est son chemin de tous les jours. On passe à côté de la tour Thiers, abomination architecturale de la même espèce que la tour Montparnasse. – C’est là que je travaille figure-toi. – Au moins tu dois avoir une belle vue. – Pas tant que ça. D’abord mon bureau n’est pas très haut. Et puis je dirais que je suis du mauvais côté. – Du côté où on voit mon quartier ? Je te remercie du compliment. Nous croisons des rues où de superbes villas Art nouveau sont assoupies dans un éclairage orangé. Il n’y a pratiquement personne jusque chez elle, rue de Cronstadt. – C’est ta rue ? C’était celle de Simone Weber. – Je ne connais pas. – Oh, tu ne perds rien. Une vieille dame qui a tué son amant, avant de le découper. Avec une scie à métaux je crois. – Tu en sais des choses. Mais tu sais où est Cronstadt ? – C’est l’ancien nom de… cette enclave russe où vivait Kant. Non ? – Non, tu confonds avec Koenigsberg. C’est une île à côté de Saint-Pétersbourg. – On aura tous les deux appris quelque chose. – Oui. Que Simone Weber aurait dû lire Kant. Ces mots prononcés sur le seuil de son immeuble, Brunehilde se dérobe comme une demoiselle du monde autrefois. Et je n’entends plus parler d’elle. Ma vie est ailleurs. Tous les vendredis en fin de journée je prends le train Corail qui vient de Vienne, Salzbourg, Munich et Strasbourg. Il n’existe plus de nos jours. Direction Paris-Est. Là-bas j’attrape un métro, puis à Saint-Michel un RER. Je descends, très tard le ...