1. Au temps de l'amour courtois - Épisode deux


    Datte: 28/11/2017, Catégories: fh, ffh, fplusag, jeunes, Oral 69, fsodo, historique, aventure, historiqu,

    ... question de la comtesse retombe dans un silence lourd. Franchir la frontière, c’est affronter l’inconnu. Impossible pourtant pour ces hommes de guerre de laisser leur dame affronter seule un tel péril. Elle est leur suzeraine, leur devoir est de répondre à son appel, fût-ce au prix de leurs vies. Enguerrand est le premier à dégainer sa lame et à la brandir vers Isabeau. Alors un homme d’armes fait un pas, puis dix, puis cent. Valets et servantes suivent, et poings levés, épées et fourches brandies, ils acclament tous cette femme, frêle, mais indomptable. Le lendemain, c’est long cortège qui s’ébranle et franchit la frontière. Le convoi serpente à travers les collines des « Highlands », ces « hautes terres » dont les peuples vivent encore comme au temps des Pictes. Jurant, crachant, pestant, les hommes poussent les lourds chariots qui ne cessent de s’embourber et qu’il faut sortir des ornières. Enguerrand est aux aguets, sa main droite caresse de façon nerveuse le pommeau de son épée, son destrier est lui-même très agité. Les naseaux frémissants, le cheval ne cesse de s’ébrouer tandis que sa queue fouette l’air. Dans la longue file de voitures, l’inquiétude ne cesse également de grandir. Mauvais signe, beaucoup d’archers vérifient la solidité de la corde de leur arme, et plusieurs cavaliers se sont remis en selle, heaumes lacés, lance au poing. Le bouclier qui était en bandoulière dans le dos protège à nouveau tout leur côté gauche. Si les hommes d’arme sont sur leur garde, ...
    ... les serviteurs ne sont guère plus rassurés et nombreux sont ceux qui multiplient les signes de croix pour conjurer le sort. Pour eux, les dieux anciens sont toujours présents dans ces contrées désolées. Et comment se rassurer dans un tel paysage ? La silhouette squelettique de quelques arbres chétifs émerge à peine dans une brume qui semble constamment couvrir le pays et le croassement des corbeaux ajoute à l’atmosphère sinistre des lieux. De loin en loin, on voit miroiter la surface de lacs immenses dont les eaux semblent abriter dans leurs profondeurs insondables des créatures fantastiques. Pas de champs, de forêts, de villages. Rien. Ou bien quelques huttes misérables qui se signalent par de minces filets de fumée à l’horizon. De temps à autre, on aperçoit ces étonnantes vaches écossaises couvertes de longs poils roux, preuve que des hommes sont bien là, mais elles semblent livrées à elles-mêmes, accentuant encore l’impression d’abandon. Enguerrand ne peut s’empêcher de replonger quelques instants dans le souvenir de ses lectures d’enfance lorsque l’abbé lui contait les livres de Tacite et Tite-Live. Dix siècles plus tôt, même les légions de Rome avaient préféré rebrousser chemin devant la sauvagerie de ces contrées. Au-delà, il n’y avait rien, que de l’eau et des rochers, disait Tacite. À quoi pouvaient-ils bien penser, ces guerriers romains perdus au milieu de nulle part pendant qu’ils montaient la garde sur le mur d’Hadrien ? En pensant cela, il regarde la neige qui ...
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