La clé
Datte: 30/11/2017,
Catégories:
fh,
Collègues / Travail
nonéro,
sf,
... j’ai un point à éclaircir avant même qu’on ne parle de votre exploit de cette nuit. Je n’irai pas par quatre chemins : on m’a dit que quelqu’un s’était connecté sur le poste de Karina ce week-end. Vous êtes au courant, n’est-ce pas ?— Heu… oui, tout à fait, lui répondis-je platement.— J’espère bien. Karina m’a confirmé que vous étiez tous les deux dans son bureau samedi. Elle m’a aussi raconté tout votre cirque. C’est du délire, Dumont ! Je devrais vous faire virer immédiatement !— J’en… j’en suis conscient, monsieur le dir…— Fermez-la, j’ai pas fini ! A présent, je VEUX savoir qui vous a raconté toutes ces conneries ! Bon dieu de bois ! Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir lui dire, là ? Je ne pouvais pas lui parler de ma rencontre avec mon double, c’était impossible. Il aurait cru que je le prenais pour un sombre imbécile, ou bien que j’avais totalement perdu les pédales, ce qui était pire. Comment envisager une seule seconde de confier la conception d’ouvrages d’arts ou de superstructures à un malade mental ? Si je parlais de tout ça, j’étais certain d’être viré ! Je ne pouvais pas courir ce risque. Et puis, j’imaginais déjà les collègues en train de tourner en dérision mes prétendus talents « parapsychologiques », me prenant pour un affabulateur ou pour un dingue. Je n’oserais plus jamais remettre les pieds dans la boite, si tant est que je ne me retrouvais pas à pointer au chômage ! Il ne me restait donc plus qu’une seule solution, dire exactement ce qu’on attendait de ...
... moi. Les mots que j’allais prononcer seraient terribles et peut-être ne sauveraient-ils même pas ma tête, mais je n’avais guère d’autres choix. — Ahem… et bien… j’ai inventé toute cette histoire, dans le seul but de séduire Karina. Ensuite, je… je me suis retrouvé pris au piège de mes propres affabulations. Je lui ai alors parlé d’un soi-disant informateur, pour essayer de la convaincre, coassais-je sans oser regarder ma prétendue victime. Le patron hochait la tête, au fur et à mesure de ma « confession », hésitant entre les deux sentiments qu’elle lui inspirait : l’incrédulité et le dégoût. Je guettais avec appréhension la réaction de Karina. Les yeux rougis par la colère et la honte, les mâchoires soudées, elle faisait un effort surhumain pour endiguer ses émotions. Cependant, elle ne put retenir une larme, qui perla le long de ses cils délicats. Cette larme reflétait le gris du ciel ; puis elle s’étala sur sa joue, comme une dague de cristal, poignardant mon cœur supposé insensible. Et voilà, je n’étais plus qu’un odieux manipulateur, sans vergogne ni amour-propre ! Bien que gêné d’assister à l’humiliation que subissait Karina, le directeur poursuivit son petit interrogatoire : — Cela ne m’explique pas votre intrusion de cette nuit. Qu’est-ce que vous foutiez dans son bureau, bon sang ? s’écria-t-il, d’une voix enflée par l’indignation. Merde, il ne lâchait pas prise facilement ! Bien qu’au bord de la nausée, il fallait que je continue, que je persiste dans l’ignominie, ...