Douze mètres sous la surface, Alain et Eve...
Datte: 31/07/2018,
Catégories:
nonéro,
mélo,
sf,
... avait ri. Un vrai rire, une cascade de bonne humeur, fraîche comme une eau de source. J’avais ri avec lui, de bon cœur pour la première fois en sept longs mois. N’empêche qu’il m’avait quand même bandé les yeux. Après avoir poussé la petite porte (et vérifié que je ne voyais vraiment rien !), il m’avait fait avancer de quelques pas. Sous mes sandales, la consistance du sol avait changé. C’était meuble, inégal, légèrement accidenté. Et l’odeur ! Les odeurs, devrais-je dire. Un éventail de senteurs disparues, de fragrances oubliées : ça sentait la chlorophylle, la terre, l’écorce… Tous les effluves d’une vie végétale disparue. L’air lui-même était changé. Vivifiant, saturé d’humidité, gorgé d’oxygène. — Alain… ? Où est-ce qu’on est, là ? On n’est pas dehors, quand même !— Non, malheureusement pas.— Pourtant, sur ma peau, on dirait la chaleur du soleil ! Et ça sent… comme dans le potager de mon grand-père !— Là tu te rapproches. On peut même dire que tu brûles…— Une serre ! C’est une serre ! J’en suis sûre ! Pour toute réponse, il m’avait rendu la vue. C’était comme s’il m’avait rendu la vie, ou presque… Pendant quelques secondes, je crus avoir fait un bond dans le temps ou être passée dans un univers parallèle, telle la blonde Alice. Tout ce vert ! Et ce rouge ! Des fruits, des baies, des bulbes, des légumes en pagaille… J’ai levé la tête ; partout des soleils, suspendus à un dôme de lumière. Et, s’élançant vers le haut comme une brousse folle, des centaines de plans, sur ...
... plusieurs étages. Des cultures hors-sol ! J’en avais les larmes aux yeux. J’eus l’impression soudaine d’être revenue chez moi. Loin, très loin de cette terre étrange, brûlée par les retombées radioactives. — Il ne manque que le bruit du vent, et bien sûr les chants d’oiseaux, souffla Alain, enlaçant mes épaules d’un bras insouciant.— C’est… c’est magnifique !— Mouais. C’est pas mal… Mais faudrait pas croire que c’est arrivé tout seul, ma petite dame. Avant que ça soit comme ça, y a eu du boulot ! Et, nonchalamment, il cueillit une fraise bien mûre qu’il croqua sans cérémonie. Bouche bée, je le regardai mâcher ce trésor, comme s’il ne s’agissait que d’un fruit, et non de la vie elle-même ! Il arracha une seconde fraise, qu’il enfourna entre mes mâchoires pendantes. — Goûte ! Refermant enfin la bouche, j’écrasai la chair charnue et délicieusement sucrée entre mes lèvres. La pulpe gorgée de suc gicla jusqu’à mon palais, dans un éclair de plaisir quasi orgasmique. — Hummm ! Succulente ! Puis, comme si je devenais subitement folle, j’éclatai de rire, m’esclaffant jusqu’à en perdre le souffle, hululant à gorge déployée. D’abord stupéfait par cette explosion inattendue, Alain finit lui-même par pouffer, puis piqua un fou rire homérique. Nous en avions les larmes aux yeux. Des larmes de joie partagée. ooOOoo Je demeurai toute la « journée » dans la serre. Une sorte de luminothérapie instinctive, pour femmes anthropophages broyant du noir. Quand je n’eus plus de larmes à verser sur Piotr ...