Reflux
Datte: 22/06/2017,
Catégories:
nonéro,
... bâton au-dessus de sa tête et frappa l’homme à la diction lente. Plusieurs fois. Il hurlait. Une rage qui lui semblait si démesurée qu’il se demandait bien comment il avait pu la contenir jusqu’ici. Il lui explosa l’arcade, le nez, le menton, lui piétina les côtes, frappa encore la tête à coups de pied. Le clochard gisait dans une marre de sang. Vivant semblait-il. Les autres, surpris, n’avaient pas encore bougé. Et les degrés dans leur sang, tout cet alcool, ne devaient pas arranger les choses. La tension était palpable tout de même. Ça sentait le roussi. Mieux valait filer. Il avisa des gyrophares pas loin et courut comme un dératé sous les cris des passants. Bonne foulée. Cohérente. Il y avait quelque chose de construit et de fort là-dedans. Quand même, il n’y était pas allé de main morte. Mais il se sentait mieux. Vraiment. Il s’abrita dans une ruelle calme près d’un abribus déserté. Reprit son souffle. Cette piscine, elle était dans le coin, il en était certain. Bassin olympique, ça lui revint en mémoire. Voilà une indication précieuse. Il arrêta une femme âgée qui menaçait de s’écrouler s’il élevait la voix. Il y alla doucement mais fermement, l’enjoignant à lui dire où se trouvait la grande piscine. Elle parut troublée par la soutane et finit par lui indiquer une direction. Juste après l’allée Del Naja. Il remercia et fila. Piscine centrale, indiquait un panneau rectangulaire et argenté. Derrière, une volée de marches blanches s’envolaient vers de somptueuses ...
... verrières. Le soleil s’y reflétait vivement. Sam plissa les yeux. Bassin olympique. L’ensemble ressemblait à ces constructions soviétiques des années cinquante. Froides, grandioses et symétriques, mais pas dénuées d’un certain attrait. À l’intérieur, des nageurs enchaînaient les longueurs. Dans l’ensemble, trancha-t-il, le niveau était bon. Une femme offrait un dos crawlé de belle facture. Légère traînée, pas d’éclaboussures, bras parallèles et tendus. Plus loin, du côté non couvert, un plongeoir tortillait ses escaliers sur près de dix mètres de haut. Un homme en maillot et bonnet noirs s’échauffait. Ça dura un moment, puis il prit appui sur le rebord du plongeoir et poussa sur ses jambes. Tourna une fois sur lui dans l’air, fendit l’eau dans un beau silence. « Vraiment un bon niveau aujourd’hui », se répéta Sam. Ses jambes trépignaient, ses pieds battaient une mesure synchronique. Il frétillait. Son corps, nul doute qu’il reconnaissait l’endroit. Je suis donc venu si souvent ? Il plaqua sa tête contre le verre chaud. Le soleil s’invitait par les baies latérales, frappait l’eau de biais. Éclat dansant. Je venais ici chaque jour. Comment oublier ? La répétition absolue. Durant des années, il avait sillonné ces lignes. Trois kilomètres par jour. Du crawl. Un crawl limpide. Tous les midis pendant sa pause. Sa pause. Ma pause ? Ma pause de quoi ? Ma pause au travail ? Quel travail ? Ça avait un lien pourtant. Il avait laissé ici bien des pensées sombres, s’était délesté de nombreuses ...