1. Reflux


    Datte: 22/06/2017, Catégories: nonéro,

    ... tensions. Des poids conséquents. Je n’habite pas loin, songea-t-il en observant de hauts immeubles se refléter dans la verrière. Il se retourna, pointa du doigt une direction, puis descendit à toute allure les marches staliniennes. Un appartement. Dans le centre. Ça revenait doucement. Pile-poil dans l’ombre des tours. Une enseigne rouge qui clignote la nuit. Un bar, quelque chose dans le genre. Oui, près d’un bar. Sam avançait rapidement, au jugé mais certain du cap. Très vite, il y eut à nouveau foule comme si la terre s’incurvait brutalement. Il se fraya un chemin, joua encore du bâton. Les gens s’écartaient. L’odeur qu’il renvoyait était infecte. Ça n’incitait pas aux frottements. Il aperçut des magasins de luxe. Sur une large allée, des gars en rollers glissaient avec une régularité de caissière. Ils passaient à côté de lui, le frôlaient, soulevaient de l’air chaud. C’était dans le coin. Absolument, c’était dans le coin. Il s’aventura dans les rues de plus en plus étroites, évita une patrouille de police dont la voiture semblait avancer moteur coupé. Gyrophare branché mais dans le silence. Ces lumières le frappèrent au ventre. Talkies qui grésillent. Échanges d’informations. On le traîne dehors. On lui parle. « Ça va aller, Monsieur G. » Mais ça ne va pas, ça ne va pas du tout. Tout ce sang sur lui. Tout ce putain de sang. Ça ne va pas. Ça ne va vraiment pas. Sam réprima une soudaine envie de vomir, posa les mains contre un mur, baissa la tête, reprit son souffle. Il ...
    ... fallait s’y remettre, il n’était plus loin de chez lui maintenant. Ce petit salon de coiffure masqué par des palmiers, il le connaissait bien. Pareil pour cette épicerie fine qui faisait l’angle entre Talbot & Weller. Il reprit son chemin. Ses pensées confuses allaient et venaient en de multiples directions, l’effort aidait à ce genre de perte. Souvent, il repensait à la décharge et aux enfants. Drôle d’endroit. Curieuse rencontre. Qui lui laissait une impression agréable. Il y avait là-bas quelque chose qui l’apaisait. Et qui n’était pas sans rapport avec l’angoisse que lui injectait la grande ville. Ce quartier résidentiel n’en finissait pas. Calme, bien entretenu. Financièrement démonstratif. Pierre de taille, larges terrasses, halls lumineux. Ça lui parlait. Il avançait près des arbres. Il avait été l’un de ces habitants. Une âme solitaire dont la vie réglée ne s’embarrassait pas de fantaisie. La répétition des jours était un tel luxe, un antidépresseur d’une rare puissance. Il avait aimé tout ce cirque. Pendant longtemps. Une église projetait une belle ombre sur une place. Les cloches retentirent, il était dix-sept heures. À bien y regarder, c’était vraiment tout près du quartier d’affaires. Il s’arrêta de marcher, se perdit dans une longue observation de la perspective nouvelle qui s’offrait à lui. Le quartier d’affaires. C’est là-bas qu’il travaillait. Il scruta un moment l’ouest. Maintenant, il pouvait la voir, gigantesque et noire, qui dévorait les restes de l’horizon, ...
«12...121314...23»