1. Reflux


    Datte: 22/06/2017, Catégories: nonéro,

    ... qui dominait toutes les autres. La plus grande, la plus large. Une tour autour de laquelle tournaient les nuages. À son sommet, une enseigne rouge et brûlante tailladait l’air. Il secoua la tête. C’était là qu’il avait travaillé. Tout ce temps. Le triangle se dessinait. L’appartement, la tour, la piscine. Trois points qu’il ralliait chaque jour de la même façon. Plus les heures passaient et plus le brouillard se dissipait. Mais, tension et agressivité se faisaient les compagnons de marche de sa mémoire. Il était tendu. Sacrément tendu même. Le soleil faiblissait doucement quand il avisa un immeuble qui ne lui était pas inconnu. Pas du tout même. Des nuages s’installèrent. Ça virait à l’orage. Il attendit que la nuit tombe. Et la pluie s’invita avec une violence soudaine. Des trombes d’eau balayèrent les rues. « Et c’est une bonne chose », songea Sam en se faufilant sous la terrasse du premier étage, « que la pluie nettoie toute cette merde ». Des éclairs griffaient le ciel. Ça pétaradait. Il grimpa par la gouttière. Gauchement. La pluie et la nuit protégeaient son attention. C’était violent tout de même, on n’y voyait pas à deux mètres. Il glissa, s’y reprit à trois fois puis atteint la terrasse. La sienne. Celle de son appartement. Il ne se trompait pas, il en était certain. Le souvenir s’était matérialisé tandis qu’il attendait la nuit un peu plus tôt : souvent, en rentrant du travail, il jetait un regard vers son appartement et se disait qu’il faudrait penser à fermer ...
    ... complètement les fenêtres. N’importe qui pourrait rentrer ici ; la preuve. Il bascula par-dessus la balustrade et songea avec amertume qu’ils appelaient ça un endroit sécurisé. « Tas de cons. » Fit coulisser la baie vitrée. Entra dans l’appartement qu’éclairaient sporadiquement les éclairs au-dehors. Il n’alluma pas la lumière. Trop risqué. Une odeur de stagnation plus que de renfermé tenait l’air. Cela devait faire un moment qu’il était parti, mais pas si longtemps que ça en définitive. Passa son index sur quelques meubles blancs. De la poussière. Pas trop. Il était éreinté. Affamé. Il ôta ses vêtements. Ouvrit les placards de la cuisine. Gâteaux, chocolats, crackers. Jeta un regard dans le réfrigérateur. Ça ne lui disait rien qui vaille. Des tas d’aliments sous vide. Rien d’ouvert. C’était un grand frigo. Lumière blanche. Immaculé. Tout était tellement en ordre là-dedans. Tira le bac du congélateur. Nickel. Des paquets de glace sur d’autres paquets de glace. Il resta un moment devant la porte ouverte, savourant la froideur artificielle. La pluie n’avait fait qu’irriter l’effroyable moiteur. Dans la petite lumière du frigo, la blancheur des éléments qui composaient la cuisine s’imposait à l’obscurité. Blancheur des meubles, blancheur des persiennes, blancheur du grand ventilateur au plafond. Tout blanc. Il mangea les sucreries, assis sur le carrelage, le frigidaire ouvert en guise de feu de camp. Ensuite, il traversa l’appartement au ralenti. Ses mains touchaient les meubles, ...
«12...131415...23»