1. Reflux


    Datte: 22/06/2017, Catégories: nonéro,

    ... Comme eux. Son dégoût des chairs lui interdisait de revenir en arrière. Ausculter une bouche lui semblait aussi complexe que se rouler à poil sur des débris de verre. Coincé. De façon globale, ce nouveau travail avait enfoncé le clou, c’étaient les hommes, dans leur entier, qu’il ne supportait plus. À quoi bon les aider ? Pourquoi soigner ce bétail ? Pour quoi faire ? En crawlant vite et bien dans le bassin olympique, il s’interrogeait. Pris dans la lumière des verrières, il se posait des questions. Par exemple, que ferait-il s’il ne pouvait plus supporter cette pression terrifiante que tous ces gens lui imposaient ? Quelque chose avait basculé au fil des jours. Sans raison apparente. Juste la répétition, terrible. Il n’envisageait plus le monde que comme une succession d’épreuves et de contrariétés. Leurs mots le salissaient. Leur putain de jargon le désespérait. Tous, ils le corrompaient. La contagion. La grande contagion. Il monta à quatre kilomètres / jour. Vidé, il expédiait les consultations, allant jusqu’à rechigner à prendre la tension. Ça devenait électrique. Toutes ces contractions, au-dedans, au-dehors. Sam leva la tête, conscient d’avoir quitté le monde réel un bon moment. Le soir s’installait. Mais il y avait encore foule. Ses mains tremblaient. Son ventre était serré par l’angoisse. Mais les souvenirs revenaient. Tout était là maintenant. Ted K. Il y avait eu ce gars, Ted K. La quarantaine foudroyée, celle qui dure un an et qui bascule subitement vers la ...
    ... cinquantaine. Teint blafard, surpoids, cernes prononcés. Tension dans les tours. Hygiène de vie déplorable. Sam avait conseillé, à chacune de ses visites, du sport, un régime et de bonnes nuits. Lui avait recommandé de consulter un médecin s’il avait besoin de quelque chose de plus fort. Mais il l’en dissuadait. « Vraiment, mieux valait faire du sport », disait Sam G en regardant le plafond. Ted K avait fait la moue, les trois fois où il l’avait vu, l’homme avait tiqué. Son responsable lui mettait une sacrée pression. En définitive, tout se mélangeait un peu dans sa triste logorrhée. Vomissait sa vie, vomissait son travail. Souvent, Sam passait méthodiquement l’avant-bras sur la surface pour en chasser d’imaginaires souillures. Chaque fois, lorsqu’il avait frappé le bulletin vert avec son tampon – APTE – Ted K avait sursauté. Et puis il était venu une quatrième fois. En pleurs. Un sac de sport à la main. Sam l’avait un peu remué. Lui avait dit qu’il ne pouvait rien faire pour lui. Bon Dieu, ce gars était gras et liquide de sueur. Cette odeur désagréable. Ted K avait sorti un fusil court du sac. Avait placé le canon dans sa bouche, et vite, très vite, la pièce avait viré au rouge. Haut dans les étages, on avait perçu la détonation. Sam, durant les jours qui suivraient, aurait un sifflement terrible dans les oreilles et l’œil droit infecté à cause des projections. Mais à ce moment précis, il était couvert des viscères et du sang de cet homme. Ted K. Ted putain de K Il avait passé ses ...