Reflux
Datte: 22/06/2017,
Catégories:
nonéro,
... mains sur sa blouse blanche. Longtemps, jusqu’à ce que la sécurité, la police, les services d’urgences arrivent, il avait répété ce geste. « Fils de pute, fils de pute », marmonnait-il, en colère, terriblement en colère après ce cadavre sans tête qui gisait sur le sol. On lui parlait mais il n’entendait rien. Il y avait ce bourdonnement infernal. Il y avait ces relents de merde et de chair brûlée. Quelqu’un avait dit : « ça va aller, Sam, ça va aller ». Plus tard, à l’hôpital il devrait entendre encore cette phrase inlassablement. Persuasion. On lui faisait avaler des pilules. Blouse bleue. Dans le calme de l’établissement, jaillissaient quelquefois des cris suraigus. C’était ainsi, la folie encadrée. Il était resté là-bas un moment, entre crises et séances avec le psychiatre. Puis s’était résigné à se taire. De cette façon, les choses seraient plus faciles. Il aurait peut-être plus de liberté. On le laissa profiter du parc, les journées rallongeaient. Il ne songeait plus à grand-chose. Son corps était engourdi de toxines et de chimie. Il attendait que quelque chose arrive. Ils prirent moins de précautions avec lui. Il n’était plus ni entravé ni continuellement surveillé. Il y eut une possibilité, forcément. Il s’échappa. Passa par-dessus de hauts grillages et détala dans le parc. Puis il erra dans la ville. Mais dès qu’un gyrophare accrochait son regard, dès qu’une sirène le faisait sursauter, dès qu’un passant jetait sur lui un regard effrayé, il se mettait à courir comme ...
... un dératé. Il s’était caché. Mais caché de quoi ? Il était confus. Ne se rappelait plus grand-chose. Avait été chassé par des habitués de la rue. S’était résolu, enfin, à se réfugier dans cette grande benne. S’y était assoupi un long moment. Ensuite il avait atterri dans la décharge. Sam G était anxieux, salement anxieux. Manque de calmants. Ce genre de sevrage, c’était un peu brutal. L’agressivité grimpait de concert. Devant le hall, deux vigiles le pointaient du doigt. Ils jouaient avec leur mag-lite. Il avait fini par attirer l’attention. Les gars s’approchèrent lentement, échangeant quelques blagues qui les firent sourire. Ça l’énerva. Il serra plus fort son bâton. « Monsieur », appela l’un d’eux, rigolard. Sam bondit de son banc. Et chargea, bâton au poing. Il frappa le premier à la tête. L’autre lui mit un coup dans les côtes. Il hurla, plus de colère que de douleur. La douleur, non, il ne la sentait pas. Il cogna encore. Avec force. Le plus qu’il pouvait. Les gars répondirent. Sa propre jambe gauche ploya un court instant. Il reçut une claque puis le pommeau métallique d’une lampe électrique lui démolit l’épaule. Il gesticulait comme un damné, comme le combattant qu’il n’avait jamais été. Les passants, consternés, se tenaient à distance de cette étrange échauffourée qui voyait s’opposer des vigiles et un religieux — Oui, on dirait un curé, s’écria une femme rousse. Il aurait voulu les tuer. S’il avait pu, il les aurait frappés jusqu’à ce que mort s’ensuive. Mais il n’en ...