Reflux
Datte: 22/06/2017,
Catégories:
nonéro,
... s’acharnait à finir le café.— Depuis que nous sommes en âge de marcher. Et même plus tôt. Livio, par exemple, il a été jeté ici. Célia, Caprinha et Tim aussi. Mais bon, on nous a tous abandonnés dans le coin.— Mais vos parents, ils sont où ?— Tu crois qu’on serait là si on en savait quelque chose ?— Ça ne vous manque pas la ville ? Ce n’est pas un endroit pour vivre, ici, ça n’est pas fait pour les hommes.— Dans ce cas, pourquoi sommes-nous si nombreux ?— Pourquoi, il y en a d’autres que vous ?— Oui, des adultes. Mais nous restons à distance. Ils sont dangereux pour nous. Nous nous battons souvent. Pour des vivres, pour des affaires. Tu leur ressembles. Tu as la même odeur. Le même regard. Ils étaient comme toi. Ils ont travaillé dans la grande ville, il pointa du doigt les lumières au loin, mais elle les a rejetés. Nous, nous sommes nés ici. C’est notre terre. Nous avons nos rites, notre propre façon de faire. Et moi, Kevo, je les guide. J’ai appris la langue autrefois, la tienne. Je sais l’importance des chiffres. Des fois, des gens viennent. Ils nous donnent de la nourriture ou des vêtements. Ils veulent bien faire mais c’est leur âme qu’ils veulent sauver. Je sais lire dans le regard des hommes. Il n’y a pas de bonté dans ce monde. Il parlait bien pour un gamin livré à lui-même. Sam le lui fit remarquer. — Il y a des livres, beaucoup de livres qui échouent ici. Et j’ai du temps devant moi. Et puis je suis arrivé tard à la décharge. Parce qu’on ne nous a pas laissés ici, ...
... mon frère Milo et moi. Nous avons eu des parents autrefois. Des parents qui nous ont aimés je crois. Mais ils ne sont plus là. Un enfant tourna la tête dans leur direction. Une tache rouge lui coloriait les deux tiers du visage. — J’avais déjà appris des choses à l’extérieur. Des choses précieuses. Il y en a peu. Mais il y en a. Je l’ai porté, Milo, je l’ai porté sur mon dos. Il était tout petit. Là-bas, dans la grande ville, nous n’aurions pas survécu longtemps. Il y a des maîtres dans la rue. Des hommes qui sont trop durs et trop puissants. Nous serions morts. J’ai marché, vers le sud. Longtemps. Jusqu’ici. C’est cet endroit qui m’a choisi. Sam fixa un moment Milo. Angiome, Angiome bilatéral. Pas de doute. Et d’où lui venaient tous ces termes techniques ? Il était médecin ou quoi ? Médecin. Pourquoi pas ? Ils discutèrent encore un moment autour du feu. Ce fut une parenthèse agréable, et Sam y prit du plaisir. Il se dégageait du discours du jeune Kevo fierté et résignation, colère et retrait. En tout cas, il ne semblait pas se plaindre de la situation. Bien au contraire. Quand il fut temps de se retirer, Sam tenta, à tout hasard : — J’ai besoin de vêtements.— Nous t’en donnerons demain. Et ensuite, tu partiras. Kevo se perdit un moment dans la contemplation de la nuit étoilée en jouant avec la croix en or qu’il avait fixée à son cou. Sortit une fiole argentée à laquelle il apposa ses lèvres. N’en proposa pas à Sam. Vraiment, oui, dans l’obscurité, la décharge semblait une ...