1. Reflux


    Datte: 22/06/2017, Catégories: nonéro,

    ... terre comme une autre. Et Sam ressentit un soulagement qu’il devinait ne pas avoir éprouvé depuis bien longtemps. Il fut réveillé par les cloches. Et par un nom qu’une bouche invisible n’avait eu de cesse de souffler à son oreille, Ted K. Aucun souvenir de ce gars. Juste quelques mots : « Monsieur K, je ne peux pas faire grand-chose pour vous ». Pas de quoi alimenter des conclusions. Pas de quoi s’exciter. Le jour avait envahi la tente, la chaleur était suffocante. La puanteur était montée d’un cran. Il réprima une méchante nausée. Souvenir du rat grillé. Effluves lourds qui mijotaient sous la toile de tente. Il y avait du café sur le réchaud. Il s’en servit dans une tasse qui traînait. Des mouches tournoyaient au-dessus de lui. Il avala quelques gorgées tiédasses et sortit de la tente. C’était redevenu une décharge. Dans la lumière du matin, c’était à nouveau cette lande désolée. Corrompue. Ça lui semblait encore plus grand que la veille. Les sacs plastiques flottaient en tous sens, les mouches dans leur sillage. Les cloches continuaient de résonner. Il localisa une première source à une dizaine de mètres. Ça venait de deux gamins qui suivaient Kevo. Mais plus loin, à sa gauche, il distingua de nouvelles formes, plus grandes, adultes, qui faisaient également carillonner des cloches. Finalement, une bonne trentaine d’individus convergeaient vers un point précis qu’il identifia bientôt. Une benne. Qui serpentait jusqu’au pied de la décharge. Ça s’agita. Ça se mit à cavaler ...
    ... pendant que le camion déchargeait. Et dès que le travail fut accompli, les troupes se jetèrent à l’abordage de l’arrivage frais. D’une certaine façon, cela lui fit penser aux soldes dans les magasins du centre-ville. Les mains s’agitaient, creusaient la merde. « Des raviolis ! » cria un gamin qui portait un masque à gaz en tenant une boîte au-dessus de sa tête. Les adultes, il ne les discernait pas bien à cette distance. Courbés, sales, hirsutes. Loin de la morgue énergique des enfants. Résignés. La plupart, il le nota, ne portaient pas de masque à gaz. Cela semblait spécifique aux petits. Une bonne prise certainement. Mais les adultes se battaient, quand même, ils échangeaient quelques coups avec les gamins. Avec d’autres adultes aussi. Des pierres sifflèrent dans l’air. Ça se frictionna. Puis le calme revint. Et chacun repartit avec quelques victuailles sous le bras. Mais pas grand-chose à ce qu’il sembla à Sam. Qui continuait de scruter l’endroit, fasciné par la désolation ambiante. À certains endroits, il y avait des postes d’observation constitués de bric et de broc, façonnés avec des morceaux de bois et de métal sur lesquels reposaient de vieilles échelles abîmées. Perchés là-haut, des gens scrutaient, jumelles rivées aux yeux. Un enfant sorti de la tente. Frêle / pâle. Fiévreux. Il dit « J’ai des vêtements pour toi ». Il dit aussi « Ensuite, tu devras partir comme Kevo te l’a demandé ». Sam remercia l’enfant et lui demanda son nom. « Silian », dit-il. Sam se changea dans ...
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