Le remontreur de mémoire
Datte: 28/06/2019,
Catégories:
collection,
cérébral,
revede,
Voyeur / Exhib / Nudisme
nonéro,
... ramassées au hasard de ses déambulations, c’est tout ce qu’il retient d’elles. Quand il rentre chez lui, poches pleines ou vides, il passe ses soirées, ses volumineux classeurs ouverts sur ses maigres genoux, à contempler et à rêver la vie. Lui seul semble être capable de prolonger ces mémoires oubliées, flétries, déchirées qu’il reconstruit à force de patience. De tous les classeurs, ses préférés sont ceux qu’il n’ouvre jamais sans un frisson d’appréhension et qui renferment entre leurs pages les photos d’êtres solitaires. C’est là un des rares classements qu’il s’autorise. Dichotomie voyeuriste poussée à l’extrême où il peut contempler des corps, entiers ou non, d’hommes et de femmes sages ou moins sages, nets ou flous, qui ont pris la pause ou ont été saisis dans une posture naturelle ou apprêtée. Là encore, et peut-être plus qu’avec les autres photographies qu’il a récupérées, il reste de longues heures à en contempler les clichés palis, froissés, pliés, cassés, déchirés, meurtris. Et quelques-uns d’entre eux l’émeuvent plus que d’autres… Il y a cette photographie, ramassée rue Caumartin, sans date, sans lieu, sans nom ni texte. Elle représente un garçon en caleçon rayé bleu et blanc, les bras poilus. Il tire sur son zizi et le présente à la postérité, le sortant d’une braguette ouverte, la main cachant à moitié l’engin. Les jambes raides, croisées… Photo de chambrée d’étudiant ou souvenir de militaire, faite pour rire et pour se moquer. Souvenir impérissable du temps où ...
... la gaudriole servait à masquer la gêne pour aborder les filles, où le groupe se sentait nécessairement plus fort pour affronter la féminité. Clin d’œil malicieux envers celui qui se vantait. Regard d’admiration pour celui qui multipliait les conquêtes féminines. Vision tronquée par la jalousie qui fait oublier ses propres avanies quand les sourires vous défrisent alors que, tel un Artaban, vous vous prenez pour le superman du sexe. Martial aime contempler ce reste de jeunesse où la peau lisse entraperçue doit faire rougir d’aise la photo qui lui fait face… Piquée quelques jours plus tard rue des Blancs-Manteaux, sans date ni lieu, sans nom ni commentaires… Femme sans tête lascivement étendue sur un lit défait. Seins lourds aux tétons durs et droits, ventre creusé aux poils pubiens folâtres, noirs, désordonnés. Jambes nerveuses, sagement jointes, l’une sur l’autre… Pieds fins, aux ongles pointus couverts d’un vernis au violet ecclésiastique. Maîtresse ? Epouse ? Immortalisation du repos après les plaisirs de l’étreinte, bonheur calme et tranquille, corps alangui, souvenir d’amoureux éconduit, perdu à tout jamais en égarant la photo sur le pavé ? Martial aime la promiscuité des rencontres qu’il organise au gré du remplissage des pages de ses albums. Il les aime, mais ne les recherche point. Seul le hasard dicte, ici comme dans la vie, les rencontres, les tête-à-tête, les « pages à page »… Quand Martial contemple ces clichés sans têtes, il se sent homme, prêt à en découdre avec ...