Le remontreur de mémoire
Datte: 28/06/2019,
Catégories:
collection,
cérébral,
revede,
Voyeur / Exhib / Nudisme
nonéro,
... toutes les femmes de la terre. Il se sent mâle, prêt à tenir un rythme infernal jusqu’au bout de la nuit. Il est prêt à aimer. Il sent poindre en lui cette pointe de jalousie envers la photo du caleçon qui, jour après jour, est au contact de ce corps lascif et repu de plaisir. Mais, ce qui titille le plus son esprit vagabond et libertin, ce n’est pas seulement de contempler cette odalisque moderne qui fait face au caleçon rayé bleu et blanc. Non. Ce qui excite le plus son imagination, c’est d’envisager que ces deux êtres de chair et de sang, dont les destins parallèles ont empêché à jamais qu’ils se croisent, les a réunis là, en ce lieu où la promiscuité les fait se chevaucher pour l’éternité. Et ce destin, c’est lui, Martial le remontreur de mémoire, qui l’incarne. Alors, il imagine ce que les deux photographies peuvent faire, là, entre les pages glacées de son album, quand celui-ci, refermé, a repris sa place sur l’étagère. Continuent-ils ce rapport consommé ? Jouent-ils à des jeux plus érotiques et coquins ? Et Martial, l’œil rivé aux clichés, promène son regard de l’un à l’autre, continue à vivre leur vie… imaginant l’inimaginable… Les modèles auraient-ils pu se croiser, un jour, ailleurs, sans se regarder, s’en s’apercevoir ni se reconnaître ? Subitement, Martial sursaute, lâche le lourd album qui choit à terre, ils sont là, il les voit… Deux êtres debout devant un mur blanc, admirant les rebuts exposés au public, placés comme dans les pages de ses albums. Ils sont là, ...
... côte à côte. Lui, les mains dans les poches. Gêné par la vision de ce moment d’égarement de garnement qu’il pensait perdu, déchiré, ignoré et caché au monde. Elle, les bras croisés sous la poitrine relâchée, se mordille la lèvre et cherche à retrouver le prénom de son amant de ce matin-là. De temps à autre, elle glisse un œil vers cet homme figé devant la vision d’un sexe à moitié sorti d’un ridicule caleçon rayé bleu et blanc. Est-ce lui ? s’interroge-t-elle. Lui contemple à la dérobée ce corps alangui sur les draps défaits, cherchant à en retrouver les formes et les volumes dans cette spectatrice hiératique. Est-ce elle ? s’interroge-t-il. Elle n’ose pas. Il ne l’entreprend pas. Martial, du fond de la salle, s’approche à pas comptés… doit-il intervenir ? Doit-il forcer le destin et les présenter l’un à l’autre, leur raconter ce qu’il a imaginé en serrant intimement dans l’album ces deux surfaces glacées… Vont-ils être choqués, offusqués, étonnés ? Maintenant, Martial est derrière eux, entre eux. Il ouvre la bouche et aucun son n’en sort, juste un souffle qui dissipe sa vision, son rêve fugace pourtant si étrangement clair. Alors, Martial s’empare d’un cahier d’écolier aux pages jaunies et brûlées par le temps. Il l’ouvre sur la table encombrée des rebuts amassés au fil du temps. Il s’empare d’un crayon qu’il inspecte méticuleusement et dont il teste, du bout du doigt jauni par la nicotine, le bout de mine qu’il mouille ensuite sur sa langue avant d’entamer, au moyen d’une ...