Bohémienne (2)
Datte: 03/05/2018,
Catégories:
Erotique,
... étaient attachés les chevaux n’avait laissé place qu’à un trou dans le sol. On pouvait voir les multiples affaissements de terrain, les traces des roues des véhicules restés statiques pendant plusieurs semaines. Courant partout au milieu de ce village nomade dont il ne restait plus que des songes, Lucien, d’abord dans le déni, commença à pleurer. Petit à petit, il perdait le contrôle de son émotion. « Non… Non… C’est pas possible… ! Non… ! Pas vrai ! C’est pas vrai ! C’est… » Il avait beau regarder partout ; il était seul. Pas même une lueur à l’horizon. La terre était sèche : impossible de suivre la caravane à la trace. Aucun hennissement de cheval ou autre braiment d’âne pour lui indiquer quelle direction prendre. La fille était partie, envolée. Disparue. Lucien aurait voulu voler un cheval au haras pour les rattraper, mais sans la moindre idée de la direction à prendre, il ne faisait que tourner sur lui-même. Il aurait dû rester toute la nuit avec elle ; pourquoi était-il rentré chez lui ? Comment avait-elle pu l’abandonner ? Elle l’aimait, c’était certain ! La rage au ventre, la peine trop dure à surmonter, trop remontée dans sa gorge, il se mit à hurler en s’écroulant par terre. Il hurlait à plein poumons, puis cet abcès ...
... d’adrénaline percé, il fondit en larmes. Tous ses espoirs s’étaient envolés : il avait perdu celle qu’il aimait et n’avait plus la moindre chance d’échapper à la guerre. Il laissa son visage contre le sol à déverser tout le chagrin qu’il pouvait, arrachant dans la crispation de son poing des touffes d’herbe sèche. Lucien avait l’impression d’avoir été criblé de balles avant même d’être parti de chez lui. Il pleurait à n’en plus finir face à l’idée d’avoir perdu l’amour de sa vie et de devoir aller faire face à la mort. Il resta plusieurs heures ainsi, sans bouger, parfois en pleurant, d’autres fois en perdant le sens des choses. Ce furent son père et son meilleur ami, voyant qu’il n’était pas rentré, qui le retrouvèrent et l’emmenèrent à la gare. Constant, l’ami, partait lui aussi. Lorsque Lucien lui raconta son histoire, il lui promit qu’ils allaient rester ensemble et qu’ils retrouveraient la Bohémienne après la guerre. Un matin, quelques années plus tard, la mère de Lucien ouvrit la porte. C’était le facteur qui avait un courrier aux couleurs de l’armée, daté de la veille. Lorsqu’il repartit, la femme ouvrit l’enveloppe, enthousiaste d’avoir des nouvelles, et sortit la lettre. Elle ne la lut pas. Elle était bordée de noir.